Pierre-André A.

Les louves

Il est des forêts sombres,
Où se joue l'impensable,
Se refuse la mémoire,
Et blêmit le vaillant.

Certains y voient des rêves,
Revivent leurs traumas,
Certains des plus pervers,
Y dessinent leurs fantasmes.

C'était une de ces nuits,
Abusé de boissons,
Et d'autres drogues encore,
Une nuit sombre et chaude.

Où la lune invitait,
Par ses lumières obliques,
A y tracer des scènes,
Parmis les plus lubriques.

Ivre donc d'ennui,
Je choisis une belle,
Digne de Rossetti,
Aussi deux jeunes sœurs.

Les trois avaient querelles,
Et cela m'arrangerait.
A manière de juge,
Elle m'affublèrent donc.

Et dans cette forêt,
Je les traînai les trois,
Comme tout bon juge,
Je n’les écoutais guère.

L'affaire était réglée,
avant d'être exposée,
La justice était bien
Mon seul bon plaisir.

J'ordonnai qu'on l’attache,
Sans lui faire grand mal,
Ce que les sœurs firent,
En s'amusant beaucoup.

Elles furent fortes expertes,
Et firent un beau travail,
Et exposèrent juste,
Ce qu'il faut de la belle.

Leur lumineuse soeur,
Siddal nous l'appellerons,
Se retrouvât pendue,
D'une manière magnifique.

D’une branche suspendait,
Corps cambré vers l'arrière,
Buste plus haut que les fesses,
Et les bras dans le dos.

Ses jambes étaient liées,
À hauteur des chevilles,
Et ramenées croisées,
Par une même corde.

Tête tirée vers l'arrière,
Par sa crinière rousse,
Donnait comme impression,
Qu'elle prenait son envol,

Les belles l’avaient lié,
A hauteur des coudes,
Autant que des poignets,
Son buste corseté.

Siddal se débattit,
Et surtout au début,
Et puis se résigna,
Disons qu'elle gigotait.

La belle était vaillante,
Et ne suppliait pas,
Pour ne pas complaire,
A ses deux tortionnaires.

Quand les vilaines sœurs,
Furent bien satisfaites,
Elle me sollicitèrent,
A faire mon inspection.

Alors je procédai,
Sérieux et l'impartial,
Comme l'on connaît les juges,
Aussi la compassion.

Je fis placer un feu,
Afin que l'on y vit,
Et que la prisonnière,
Ne puisse pas s'enrhumer.

Je fis d'abord le tour,
Pour juger de l'ensemble,
La fis tourner un peu:
L'entrave était solide.

Je la fis bâillonner.
Non que ses quelques plaintes,
M'importunaient vraiment,
A vrai dire le contraire,

Mais je voulais y voir,
C'était mon bon plaisir,
Sa belle bouche carmine,
Étirée par un mords,

Et écouter ses yeux,
Me supplier un peu,
Me fusiller beaucoup,
Tout soulignés de rage.

Son visage était noble,
Même l’entrave aux lèvres,
Ou les larmes qui perlent,
De ses yeux en colère.

Je ne pus m'empêcher,
Je suis garçon sensible,
D'arranger une mèche,
Derrière son oreille.

Je m'approchai beaucoup,
Sûrement beaucoup trop.
Et son visage parfait,
A hauteur du mien,

M'émotionnait beaucoup.
J’y posais un baiser,
-Je suis un peu fleur-bleu -,
On ne se refait pas.

Siddal me compatit,
Elle avait bien raison,
Nous sommes tous les mêmes,
Surtout quand on est juge.

Je pris donc sur moi,
Puisque chose convenue,
Reprendre ma visite,
Et de faire de mon mieux.

De la joue de Siddal,
Je léchai quelques larmes,
Cela était tentant,
Et ce fut délicieux.

Je flattai ses cheveux,
Et vérifiais l’attache,
La tirant vers l'arrière,
Comme la proue d'un navire.

Poursuivis les épaules,
Et les deux bras noués,
Son magnifique dos,
Ruisselant de sueur.

Elle était musculeuse,
Et l'arche de son dos,
Se résolvait superbe,
À ses fesses apprêtées.

J'y parcourus la courbe,
Son corps suspendu,
La tension dans son corps,
Était comme musicale.

Je dois confesser là,
Que je m'attardai trop,
Au jambes repliées,
En une queue de poisson,

Les chevilles croisées,
Et reliées entre elles,
Aussi à la crinière,
Arquant la tout belle.

J'inspectai son étrave,
Son torse généreux,
Ligoté je l'ai dit,
À manière d'un corset.

Je suspectai un peu,
Que la belle poitrine,
Soulignée par des liens,
Était fort jalousée.

À preuve les deux sœurs,
L'avait bien trop contrainte,
Ce que je rectifiai,
En âme charitable.

Voyant que je j’aimais bien,
A faire mon examen,
Elle me narguat quant même,
D'un regard provocant.

Siddal respirait fort,
Derrière son bâillon,
Et semblait résignée,
Ou fatiguée déjà.

Les soeurs s'impatientaient,
Et pour passer le temps,
Étrillaient leur victime,
Avec de fines tiges.

Le corps ainsi constraint,
Trouvait belle énergie,
A esquiver flagelle,
Tortillait de surprise.

Elles s'amusaient beaucoup,
C’était qui trouverait,
A faire vicieusement,
Tressauter la martyre.

La plante de ses pieds,
Eurent un peu la faveur,
Aussi ses belles fesses,
Qui rougissaient beaucoup.

Je détachai Siddal,
Qui n'en pouvait plus guère,
Et trouva réconfort,
Dans les bras de ses soeurs.

Les vilaines la couvrirent,
De plus de mille d'étreintes.
Déjà le feu filait,
Et nous levions le camp.

Nous portâmes Siddal,
Comme si elle était reine,
Et nous étions très fiers,
Et d'elle et puis de nous.

D'elles trois je ne sus guère.
La rumeur disait,
Qu’elle empala ses soeurs,
Deux sur un même pieu.

Pour ma part de mes yeux,
Un soir je l'aperçus.
En lisière du bois,
Flottant comme portée,

Et sa crinière rousse,
Á manière d'une étole,
Déployée sur son corps,
Y faisait une traîne.


L'inspiration de ce poème vient des peintres préraphaelites (mouvement artistique anglais du 19ème siècle), dont Elizabeth Siddal était l'égérie. Ici en complément, un article intéressant sur la vie et la mort de Elizabeth Siddal. Merci pour les appréciations!

 


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