Pierre-André A.

Le pied

Tordue et mal-commode,
Brinquebalée par la route,
A moitié allongée de côté,
Sur un siège défoncé,

Le front sur la vitre glacée,
Écouteurs aux oreilles,
Et les yeux immobiles
Dans les paysages qui défilent.

Sur le dossier du siège d'en face,
Négligemment, elle appuie un pied.
Nu, déchaussé, exposé,
Un joyau pour qui sait regarder.

Un petit pied menu et bien formé,
Propre et lisse comme un galet,
Et d'une magnifique couleur,
De ce mat ambré que l'on a en naissant.

Il est propre, aux ongles bien soignés,
De long doigts mobiles et bien alignés,
Qui semblent réclamer :
"Prends nous dans tes lèvres".

Sa peau est fine et douce,
A n'en pas douter,
Et dessine finement les tendons
Qu'elle protège jalousement.

Pour se caler de nouveau,
Interminable voyage,
Elle prend appui,
Et le miracle s'accomplit.

La plus belle des arches se forme,
Douce, harmonieuse et racée,
De celles qui accompagnent
Les jouissances et les râles.

La cheville qui le porte
Forte et bien dessinée,
Semble supplier "empoigne-moi",
Soit rude et doux à la fois,

"Mène le pied qui me continu à ta bouche,
"Baise-le, mord-le, lèche-le",
"Ne lui laisse pas de répit",
"Et fait jouir sa maîtresse".

"Si tous les secrets du corps sont dans le pied",
"C'est elle tout entier que tu dévores",
"Que tu pétris de ton désir",
"Que tu abîmes dans l'extase".

"C'est couvert de semence",
"Et encore une fois léché",
"Et mainte fois baisé",
"Que tu me rendras à ma maîtresse comblée".

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