Pierre-André A.

La Sirène, histoire vrai et véridique

L’histoire que je vous conte,
Est vrai et véridique.
Et fera mieux comprendre,
Ce que l’on sent ici.

Il y a déjà quelques années de cela,
Pour alerter la populace,
En cas d’incendie d’importance,
Ou bien de tsunami, ce que l’on craint le plus,

On installa un énorme haut parleur,
Juché sur une haute tour,
Et qui dominait le village,
Tout en restant discret.

La nouveauté était bonne chose,
Et après quelques cafouillages,
De réglages, et autres calibrages,
Elle rassurait de son ombre bienveillante.

Par décret - et cela tous les dimanches -,
Notre bonne sirène, nous avertissait,
-En quelques mots impersonnels -,
Du début de l’essai hebdomadaire.

S'ensuivait un hullulement strident,
Qui ne laissait aucun doute sur l’urgence,
Et s’entendait parfaitement depuis chaque rue,
Et de chaque fenêtre.

A part quelques ronchons,
La nouveauté fut vite adoptée,
Et ponctuait chaque semaine,
De son annonce puis son alarme.

La chose, comment dire, se produisit un mercredi,
A peu près vers midi,
Et je crois que tous ici,
Nous nous en souvenons bien.

La même voix un peu métallique,
Bien que très féminine,
Et maintenant familière,
Se mis à débloquer.

Ce fut d’abord un long soupir,
Suivi d’un “vient !” langoureux,
Comme un chuchotement dans le cou,
Et ce ne fût pas tout.

L’après midi fut une des plus étranges,
Que connut le village,
La voix gémit, haleta,
Soupira, se lamentait,

Comme une compagne que son amant
Erre au bords de la jouissance,
Et langui, comme une douce torture,
La voix réclamait son plaisir.

Ce jour,
L’orgasme vînt,
A 15 heures,
A peu près.

L’on dépêcha les techniciens,
Qui vérifièrent puis débranchèrent le haut-parleur,
Et quelques excuses confuses,
Voulurent enterrer l’incident.

Mais le lendemain,
Haut-parleur débranché,
La voix revint,
Et appela son amant.

Comme la veille,
La voix se fit chatte,
Tigresse, chienne,
Haleta et jouit avec force enthousiasme.

La panique pris le village,
En même temps que langueur.
Les uns couraient, cherchant un coupable,
Les autres rougissaient et se touchaient un peu.

Le troisième jours solutionna le problème,
Enfin, non.
L’amante insatiable, soupira,
Gémi, gloussa, pleura même,

Se lamentait,
Ronronnait,
Et finit, rendue,
Par libérer un orgasme rugissant.

Les jours qui suivirent furent cahotiques,
Et de désespoir l’on détruisit la tour.
Ce qui n'empêcha pas,
La voix impudique de remplir les rues.

L’on gesticula beaucoup,
Escusa, opina, condamna,
Dévia, enseña du doigt,
On pataugeait surtout.

De nulle part la voix,
S’invitait de nouveau,
Et, impudique,
Déversait ses soupirs.

L’impact sur les villageois,
Survint rapidement.
L’on papota beaucoup,
S'offusqua, condamna, pria même.

On finit surtout par attendre la voix.
Et s’inquiéter d’un retard.
Se mordant les lèvres,
A chaque excès.

La boulangère, qui rougissait pour un rien,
Dès lors comme un brasier,
Servait avec chaleur ses clients,
Parlant fort comme par gêne.

Les tétons dressés sous son tablier,
Elle ne perdait l’occasion,
De se reposer sur un coin de table,
Branlant son mont pensant qu’on ne la voyait pas.

Son mari pourtant placide,
Toujours épuisé par ses tournées,
Devînt jovial et enjoué,
Et enlevait souvent sa femme faire l’inventaire.

L’épicier - à l’époque veuf - devînt distrait,
Et semblait marcher l’amble,
Comme gêné d’un pantalon serré,
Et fermait boutique au sortir de la voix.

En trois semaines de voix,
Ils étaient rares ceux
Qu’ils ne l’avouent ou non -,
Ne mouillaient pas plus que de normal.

Le boucher et sa moitié,
Semblaient forniquer en continu,
Et ne taisaient même plus leurs râles,
La boutique grande ouverte à tous.

Les adolescents,
Grandirent d”un seul coup,
Et le catéchèse fût réduit…
A l’état de vigile…

Bientôt la plus grande part de la population
Bandait, coulait, giglait,
Se caressait, se pénétrait,
Se suçait, se fondait,

S’enfonçait, Se léchait,
Se branlait, se doigtait,
Mordillait, s’écartait,
Enfonçait, pilonnait,

Suçait, giclait,
Avalait, se gargarisait (dit-on),
Embrassait,
Et de nouveau se pénétrait.

Non, ce ne fût pas chose commune.
Mais dans tout ce tumulte,
Par la grâce du temps de réfraction,
Virent sérieuses réflexions.

Le débat n’était pas officiel,
Mais les opinions et les options,
Circulaient de bouche à oreille,
Et tout le monde participait.

L’on analysa donc de manière participative,
Et enquêta pour mieux comprendre,
Et chose étrange, l’on confirma,
Que les enfants n'entendaient rien!

Rien! On était face à un phénomène,
Réservé au seuls adultes!
La voix qui parcourait les rues et ruelles,
N’étaient pas audibles pour les plus jeunes…

N’étaient pas audibles…
Ou n’existaient pas supposèrent certain,
Et cela créa un je-ne-sais quelle émoi,
Qui ravira l’intérêt pour la discussion.

De petits clubs de réflexion
S’organisèrent,
Qui terminaient invariablement,
En orgies car tout le monde était fort excité.

Les petits groupes travaillèrent dur,
Et malgré la confusion qui régnait,
Finirent par rendre chacun leur conclusion,
Que l’on synthétisa en une grande Assemblée citoyenne.

On y convint, chamboulés l’un sur l’autre,
Que c’était finalement bonne chose.
Le village n’avait jamais été si tranquille,
Ni si chaleureux, c’était peu dire.

La stratégie de l’adaptation fût donc adoptée,
Et puisque les plus jeunes étaient sauf,
On ne décida rien.
A part distribuer des bouchons auriculaires,
Pour ceux qui ne voulait pas écouter.

En quelques mois,
Le village ne devînt pas seulement,
Fort accueillant,
Mais devînt économiquement fébrile.

Une petite fabrique de préservatifs,
Et autres objets en silicone,
Créa moultes places de travail,
Et lança bientôt un toute nouvelle gamme,
Sitôt testée en temps réel,
Dans les chaumières dès le soir.

Les deux seules prostituées du village,
Ouvrirent boutiques de soins à la personne,
Et durent embaucher à la hâte,
Non sans garantir une formation initiale de qualité,
Enfin tout un cursus dispensé,
En large classes présentielles, dont certaines ouvertes au public.

Bien sûr l’on vînt visiter le village,
Qui devint un lieu touristique,
Et de larges groupes attendaient
Le phénomène pour s’en rappeler au retour dans le bus.

La voix continuait avec le même enthousiasme,
Gagnant même parfois en passion,
Et comme titillée par l’émulation générale,
Devenait parfois bien plus coquine si ce fût possible.

Les scientifiques se succédèrent,
Les psychologues itout,
Aussi les exorcistes…

Et puis la voix se tue.

L’on vécu un événement,
Particulièrement difficile,
Entre la voix et son amant.
L’on était dévasté.

L’on ne comprit pas tout.
Ce qu’il lui avait fait, ou pas,
Ce qu’elle lui demandait, et avait ignoré.
On se perdait en conjectures.

Elle devint silencieuse.

L’on était terrassé.

Apathiques pour quelques jours…

Mais les habitudes étaient prises,
Et les râles reprirent,
Derriere chaque croisées,
Et remplacèrent la voix.

L’on reprit sa frénésie copulatoire,
Son rythme orgiaque,
Ses petites baises rapides entre deux portes,
Les parties fines des fins de semaine.

La chose ne fut jamais officielle,
Mais au rythme où s'entremêlaient les langues,
Les messages passaient vite,
Et se discutaient entre soupirs.
Le village, avec ou sans la voix,
Continue, a ce jour encore avec la frénésie.

Quand vous visiterez plus tard le musée,
Au pied de la nouvelle tour,
Et pour lequel vous êtes venu,
Écoutez donc les reconstitutions,
Faites avec beaucoup de soins.
Les voix sont identiques à ce que nous écoutions.

Vous remporterez avec vous,
Un peu de ce qui se fait ici.
Et si par hasard, votre bus ne vous attend pas,
Passez-donc me voir, mais en homme galant,
Apportez donc le vin… je me charge du reste.

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