Pierre-André A.

La Dame maquerelle

 

Les filles du quartier l’avaient toutes comme mère
Qu’importe bien leur âge - sur lequel elles mentaient
Où bien son âge à elle, que personne ne savait
Elles la reconnaissaient comme la Mère Maquerelle

Elle vivait dans ces rues, qu’on appelle quartier
Qui de nuit s’illumine de centaines de lanternes
Dans la seule maison assortie d’un patio
Et qu’elle entretenait d’une sorte de jardin

Elle était forte femme, d’un caractère trempé
Et sa chevelure jais, fortement abondante
Et qu'elle portait haut, en tours exubérantes
La signalait de loin et lui faisait escorte

Les plus anciennes filles, qui ne travaillaient guère
Et avaient long loisir de cancaner sur tout
Juraient de par leurs Dieux qu’elle était avant elles
Ce, même si son minois chantait une jeune vierge

Son visage en effet était bien dessiné
D’un ovale harmonieux fraîchement souligné
Par des pommettes hautes et des yeux scintillants
D’un regard vert félin profond et apaisant

Nul fille n'oubliait de lui porter sa dîme
Les rares manquement se géraient entre-soit
Comme coopérative elles s’organisaient donc
L'on décidait ensemble et respectait les lois

Elle était réputée, les hommes venaient de loin
Mais elle travaillait peu, préférait son jardin
Choisissait ses amants, fixant ses honoraires
Comblait les éconduit dans les bras d’autres belles

Pour sa spécialité elle était reconnue
Que les hommes choisis - il y eut très peu de femme -
Passant entre ses jambes, voyageaient d’autres terres
Jusqu'à la fin de l’acte qui était minuté

La plupart des clients faisaient juste visite
Mais certains revinrent même avec des butins
L’on dit aussi que l’un revint montant jument
Escortée d'un poulain tout gris taché de blanc

Je vis par moi même un des habitués
Au sortir de son lit, garder une commode
Finement ouvragée et aux pieds recourbés
Et qu’il laissa en gage pour une dette de jeu

Dans ce jardin alors poussait un grand figuier
C’était chose admirable que de voir si gros tronc
Et ses branche immenses chargées de belles feuilles
Qui régalait son ombre avec grande bonté

C’était donc le jour, ou elle pari jument
Et puis son cavalier, et puis ce poulain bai
Qu'elle vint se poser là - elle méritait repos -,
Près de son grand figuier, qu’elle admirait autant

Et les deux conversèrent et même prirent le thé
Et la nuit les pris là, elle contre son tronc blanc
L’enlaçant de ses branches et de ses larges feuilles
Et la clarté de lune a mode de veilleuse

Toujours est-il qu’à l’aube il avait disparu
Au fond de la ruelle ne restait qu’un grand trou
Et la Dame Maquerelle aux yeux inconsolables
Pleurait un si bel arbre perdu sur son chemin

 


La-Dame-Maquerelle

Tags :

#Le Manifeste des fluides #poème